loader

La crise de biodiversité et sa sous-estimation par l’Etat

  • Guimont, Clémence (Université Lille 2, CERAPS (UMR 8026))

 

Abstract

La crise de biodiversité se caractérise par les irréversibilités écologiques provoquées par la perte définitive du vivant, qui menacent la reproduction des espèces et la résilience des écosystèmes. Elle interroge le maintien de notre organisation sociale et politique car la perte du vivant menace nos capacités agricoles (comme l’illustre l’exemple de l’abeille pollinisatrice en voie de disparition).

Bien qu’il demeure des incertitudes pour évaluer le rythme de perte du vivant, la crise de biodiversité ne fait plus l’objet de débats scientifiques (Barnosky et al., 2012). Le défi posé par la crise est double : 1) il ne s’agit plus de savoir si l’État – qu’on définit ici comme l’ensemble des administrations et des pouvoirs publics garants de l’intérêt général – pourra l’éviter mais d’être capable de faire face aux conséquences de la crise de biodiversité (les irréversibilités) sur nos systèmes sociaux et notamment sur notre système alimentaire. 2) La crise de biodiversité dépasse le cadre strict des frontières nationales et interpelle les capacités de l’Etat souverain à agir sur son territoire face à une crise écologique mondiale, qui ne connaît pas les frontières (Bourg, Whiteside, 2012 ; Barry, Eckersley (dir.), 2005).

Face à cette crise, l’Etat français mobilise les outils juridiques et économiques à sa disposition, dans une perspective continuiste. Il est ainsi prévu dans la loi biodiversité de 2016 la reconnaissance des services écosystémiques, l’inscription du principe de compensation et la mise en place de banques de compensation. L’Etat internalise la crise de biodiversité en mobilisant les outils du néolibéralisme (monétarisation, financiarisation, substituabilité notamment) (Petitimbert, 2016).

L’Etat est – selon les analyses de Michel Dobry (2009) – en mesure de faire face à la gestion de ces crises, notamment en réorganisant les conditions de construction du dialogue social et en reformulant ainsi de nouvelles conditions de l’équilibre politique. Cette perspective politique déployée par l’État nous semble cependant interrogée par l’exceptionnalité historique de la crise de la biodiversité. Cette crise provoque à la fois des irréversibilités écologiques de courts termes, qui auront d’importantes conséquences (ressources alimentaires et économiques) sur l’équilibre politique. Cela interroge donc la capacité de l’État à mobiliser ses solutions traditionnelles pour y faire face, et notamment l’hypothèse d’une possible substitution du vivant par l’innovation politique et économique (comme par exemple par la mise en place de dispositifs de compensation).

En conséquence, la proposition interrogera la capacité de l’État à prendre en charge la complexité des interactions en jeu (vivant/politiques publiques – comme la loi biodiversité en France et ses premières mesures d’application), alors même que cet État entend maintenir une perspective de gestion qui euphémise les irréversibilités (quantité du vivant, mais aussi ses temporalités).

Texte de la communication